Dans une société où l'individualisme et le mythe de la virilité érigent parfois des murs infranchissables, la sensibilité est souvent perçue comme une faiblesse. On nous fait croire que pour réussir, pour être respecté, il faut être fort, imperméable, insensible aux émotions qui pourraient nous fragiliser. Combien d’entre-nous dissimulent leur sensibilité derrière un masque d'indifférence ou de froideur ? Combien d’entre-nous se suradaptent au quotidien pour s'enfermer dans un carcan qui les coupe de leur véritable nature ?
Dans cette quête perpétuelle de pouvoir et de contrôle, nous oublions une vérité essentielle : la sensibilité est une force, une source de puissance authentique qui réside en chacun de nous. Peut-être faut-il parvenir à quitter la rive qui place cette qualité du côté de la défaillance pour gagner l'autre rive, la rive de la faille, de la brisure.
En tant qu’être sensible, nous sommes constamment en lien entre l’environnement autour de nous et en nous. Encore faut-il accepter l’idée de pouvoir toucher autant que d’être touché. Nous sommes des êtres poreux. Peut-être est-ce là le signe de notre lointaine parenté avec les éponges marines, cette ancêtre qui nous aurait légué sa capacité à nous remplir de l’autre, à nous métamorphoser à son contact, comme le dit si bien Camille Sfez dans son livre Vulnérable. Si nous avions eu comme aïeul le granit, ça aurait été plus simple. Mais moins riche.
À mon sens, pratiquer le yoga peut nous apprendre à habiter humblement le corps; nous faire réaliser que nous sommes un écosystème vibrant d'énergies, dans une infime partie d'un vaste réseau interconnecté. Notre peau devient alors la frontière poreuse entre l'intérieur et l'extérieur, notre souffle la connexion entre le moi et le monde.
En pratiquant le yoga, nous pouvons, d’une certaine manière, permettre à notre corps sensible de tisser un fil tendu entre le palpable et l’indicible. Un fil fragile et solide à la fois qui nous permet de se relier à notre véritable essence, dans toute sa grandiose simplicité.
Être sensible, c'est vivre nos émotions, nos intuitions, dans ce qu'elles ont de plus brut. C'est ressentir profondément le monde qui nous entoure. C'est être capable de créer, de compatir, d'aimer, avec une intensité qui transcende les limites de la raison.
Être sensible, c’est aussi se laisser être vulnérable, accepter et embrasser cette part de soi qui ne retient ni la joie, ni les larmesCar cette vulnérabilité est la source de notre de notre authenticité, de notre humanité.
J’ai l’intime conviction que c’est en embrassant et en assumant notre sensibilité, en revendiquant notre vulnérabilité, que nous devenons véritablement puissants, capables de changer le monde avec la force de la douceur.
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