L’œil… Tout l’univers est en lui, puisqu’il voit, puisqu’il reflète. Guy de Maupassant
Par sa forme, sa fonction, sa transparence ou par sa symbolique, l’œil est à la fois la fenêtre de l’homme sur le monde, et la fenêtre du monde sur l’homme ; une fenêtre ouverte sur ses pensées, ses émotions, son imaginaire. « Les yeux sont le miroir de l'âme » disait Yves Le Guern. Ils contiennent à eux seuls toute l'histoire d'un individu et sa vision, son "point de vue" sur le monde.
Observer, contempler, examiner, mirer, scruter, fixer, toiser, dévisager... autant de synonymes pour désigner le fait de regarder.
Dans la tradition indienne, les yeux sont la porte du mental. S’ils sont soumis à une distraction, alors l’esprit s’échappe et perd sa concentration. C’est pourquoi le drishti est important dans la pratique du yoga. On parle de drishti comme de l’endroit où se place notre regard dans une posture, pour contrôler l’attention pendant la pratique. De façon générale, chaque asana (posture) ou famille d'asana a son drishti associé.
Les 9 drishtis principaux sont :
nasagra drishti – le regard au bout du nez
urdhva drishti – le regard au ciel
bhrumadhye drishti – le regard ente les deux sourcils
nabhi chakra drishti – le regard au nombril
angusthamadhye drishti – le regard vers les pouces
hastagre drishti – le regard au bout des mains (index/majeur)
padayoragre drishti (le regard au gros orteil)
parsva drishti (le regard vers le côté droit/gauche)
Le drishti, en yoga est un outil utilisé pour développer les 5e et 6e piliers du yoga, à savoir prathyara (retrait des sens) et dhyana (concentration). Les yeux sont en lien étroit avec l’activité cérébrale. Immobiliser le regard a donc un effet sur les fluctuations du mental. Là où notre regard se pose, notre esprit se dirige.
Activer un drishti pendant la pratique sert autant comme technique de concentration que comme voie pour focaliser la conscience sur une vision de l’unité. En utilisant un drishti, on cherche également à dépasser les limites de la vision, en prenant appui sur notre système perceptif. Nos yeux peuvent voir seulement les objets qui reflètent le spectre visible de la lumière, mais le yoga nous amène aussi à (ap)percevoir une réalité intérieure, de nature énergétique, qui n’est pas « visible » au regard classique. Le regard est un guide. Il est projection, anticipation, il est construction d’un monde par un individu en fonction de ses expériences passées, de ses buts futurs, de ses désirs et de ses craintes, de ses croyances.
Le regard est une capture du monde et d’autrui. À lui seul, il suffit à entrer en relation, à « rencontrer » l'Autre. Il peut tout dire, en se passant de mots . Et c'est bien là son super pouvoir.
Il ne me reste plus qu'à vous encourager, pour cette fin septembre, à utiliser le regard pour pratiquer la concentration quand vous vous sentirez trop éparpillé, à contempler l'horizon, à observer l'extérieur mais aussi à regarder un peu à l'intérieur, et enfin, à plonger vos yeux dans ceux de quelqu'un d'autre et à être bouleversé par ce que vous y trouverez.
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